Lorsque Charlemagne meurt en 814, il laisse un empire gigantesque qui part de l’Italie actuelle jusqu’à la Baltique et de la France contemporaine aux Pays germaniques. Le village n’existe pas encore mais le site fait partie de l’ancien royaume de Bourgogne fondé par les Burgondes au V° siècle et qui sera rattaché au royaume de Lothaire (6) en 843 lors du partage de l’Empire carolingien entre les fils de Louis-le-Pieux.(7)
Sur un domaine aussi étendu, l’exercice d’un pouvoir centralisé est impossible. L’empereur délègue à des nobles, les comtes, qui sont chargés de collecter impôts, taxes diverses et de faire appliquer ses décisions. A l’origine de leur mise en place, ils sont irrévocables à tout moment et sont contrôlés par Missi Dominici “ou envoyés du Maître” tout en bénéficiant des honneurs à la charge des revenus des terres qu’ils administrent. Mais dès le début du IX° siècle, les invasions sarrasines depuis la Garde-Freinet, les attaques scandinaves (Vikings) dévastatrices sèment le chaos dans l’Empire dont le pouvoir impérial demeure impuissant. Seuls les nobles locaux, les comtes, peuvent organiser la résistance et ont l’autorisation de fortifier. Ces derniers deviennent inamovibles, leur enracinement s’affirme encore davantage et s’ils s’approprient progressivement la charge comtale ainsi que les bénéfices et les transmettent de façon héréditaire, les historiens parlent de “patrimonialisation des charges”. Les comtes sont à la tête d’immense domaines fonciers. Pour assurer leur domination, ces princes sont amenés à composer avec la petite aristocratie locale en leur concédant, sous serment vassalique, les bénéfices d’une terre. Cette occupation va de pair avec l’apparition des mottes castrales sur lesquelles sont érigées des tours en bois entourées de palissades et de fossés.
C’est le cas de Pommier autour de l’an Mil sur la motte féodale toujours visible dans le bourg.
Le seigneur bénéficiaire offrant protection à une paysannerie à l’habitat carolingien dispersé, regroupe les populations autour de la motte féodale : c’est la naissance du village qui se confond bientôt avec la paroisse. Certains historiens parlent d’”encellulement”.
La sécurité des habitants a un prix. Les paysans libres deviennent de plus en plus rares et si l’esclavage par l’intermédiaire de l’Eglise disparaît peu à peu, esclaves libres se rejoignent dans une dépendance au seigneur : le servage au bénéfice de ce dernier. Une communauté naît de ce regroupement où la langue (8) va évoluer en circuit fermé, donnant aujourd’hui le patois.
Par la suite, l’histoire de Pommier est liée à celle du Dauphiné…
L’archevêque de Vienne Burchard, au XI° siècle est le seigneur d’une vaste principauté archiépiscopale, domaine hérité de la période d’occupation burgonde qui correspond aujourd’hui aux départements de l’Ain, Savoie, Haute-Savoie, Drôme, Isère et qui sera intégré au Saint-Empire germanique en 1032.
Pommier se retrouvera à la frontière, face aux possessions savoyardes de Faramans et de la Côte-Saint-André. Le comte d’Albon étend son domaine par les armes et les alliances matrimoniales. A partir de 1116, la famille exerce son autorité sur le Grésivaudan et Grenoble, au contact direct avec les possessions des Savoies. Le comte prend alors le titre de Dauphin pour une raison obscure. Le dernier Dauphin Humbert II, mène le Dauphiné à la banqueroute ; il cède son domaine au roi de France en 1349. Confiée au fils du roi Philippe V qui endosse le nom de Dauphin qui se perpétue chez tous les prétendants au trône de France, la principauté conserve certains privilèges fiscaux et juridiques.
Au début du XIV° siècle, le Dauphin Jean II fait bâtir un château à Pommier, englobant la motte féodale ou subsiste encore aujourd’hui les fondations d’une petite tour ronde, les archives de l’ancienne Cour des comptes mentionnent une tour carrée sur la motte castrale (9) de quatre toises de hauteur, d’une tourelle ronde, d’une toise et de murailles épaisses de quatre pieds et demi. Jean II détache Pommier du mandatement de Revel et lui constitue un territoire particulier avec pour paroisse Sainte-Maire-de-Pommier.
Après une paix signée entre Savoie et Dauphiné qui fixe les frontières entre les deux principautés, le château n’est plus entretenu et tombe en ruines(10). Une partie de l’ancienne muraille entourant le bourg est encore visible à côté de l’école.
En 1638, c’est Humbert de Lionne (11), maître de la Chambre des Comptes du Dauphiné, qui rachète le domaine de Pommier. A cette époque il n’y a plus de château, de Lionne fait construire un manoir que nous connaissons aujourd’hui (12). Quelques années plus tard nous le trouvons dans la famille de François Du Teil qui, par son mariage avec Antoinette de Chambaran en 1719, reçoit le château en dot. L’un des fils de Jean du Teil est général en chef de l’armée des Alpes, il commande l’Artillerie pendant le siège de Toulon. Son frère, Jean-Philippe, baron du Teil, seigneur de Pommier, commande l’École d’Artillerie d’Auxonne avec sous ses ordres le lieutenant Bonaparte qui plus tard, en garnison à Valence, rendra plusieurs visites au baron en Château de Pommier comme le suggère aujourd’hui une plaque apposée sur la façade de la demeure.
La famille émigre à la Révolution à l’execption du Baron qui reçoit le grade de Lieutenant général en 1791 des mains de Louis XVI. Accusé par les habitants de Pommier de faire des provisions d’armes et de préparer une contre-révolution (13), il est arrêté en 1793, jugé comme noble et royaliste, condamné à mort et fusillé le 22 février 1794.
Le château est peut-être vendu comme bien national ou bien récupéré au retour des immigrés en 1798. Emmanuel Doncieux affirme qu’il est vendu par les descendants du Baron vers 1880 (14) ce qui est plausible puisqu’il est racheté pour héberger l’école privée catholique de filles à la laïcisation de l’enseignement public en 1886. Il abritera par la suite différentes congrégations religieuses.